Alexander Paley est largement reconnu, tant par le public que la presse spécialisée, pour son répertoire exceptionnellement large, en concerto comme en récital, et pour des prouesses techniques toujours au service de la profondeur d’interprétations uniques et personnelles.
Né à Chisinau, en Moldavie, il commence l’étude du piano dès l’âge de six ans, donnant son premier récital à l’âge de treize ans, remportant le Concours National de Musique de Moldavie à seize ans. Il se forme au Conservatoire de Moscou auprès d’illustres professeurs tels que Bella Davidovitch et Vera Gornostayeva, et remporte rapidement des prix prestigieux : Premier Prix aux Concours Bach de Leipzig, Prix Bösendorfer, Grand Prix du Concours Vladigerov en Bulgarie, Grand Prix Debut Young Artist de New York, Prix de la Fondation Alex de Vries en Belgique, Prix aux Victoires de la musique classique en France etc.
Sa personnalité musicale indiscutable attire immédiatement l’attention des orchestres, salles et festivals des quatre coins du monde, du Théâtre des Champs-Élysées à Paris au Carnegie Hall de New York, en passant par le Concertgebouw d’Amsterdam, le Kennedy Center de Washington ou le Festival d’Aspen aux États-Unis. Signe de l’admiration unanime qu’on lui prodigue, il est invité en concerto par des orchestres glorieux : Alexander Paley a ainsi joué avec presque tous les orchestres américains (à la tête desquels on peut mentionner le Los Angeles Philharmonic, le New York Philharmonic) et pratiquement tous les orchestres français – tels que l’Orchestre National de France, le Philharmonique de Radio France, l’Orchestre de chambre de Paris, le Philharmonique de Strasbourg ou l’Orchestre National de Montpellier –, sans oublier l’Orchestre Symphonique de Montréal, pour n’en citer que quelques-uns.
De ce fait, la liste de ses partenaires tout aussi impressionnante, avec une cohorte de chefs fameux (Myung-Whun Chung, Ivan Fischer ou Leonard Slatkin en tête) et d’instrumentistes de première force (les virtuoses russes notamment, tels que le regretté Mstislav Rostropovitch, le violoncelliste Alexander Dmitriev ou les violonistes Vladimir Spivakov et Dorota Anderszewska).
Alexander Paley vit entre New York (il s’installe aux États-Unis en 1988) et Paris, ses deux villes d’adoption. Il est le directeur artistique du Festival du Moulin d’Andé en Normandie et du Paley Music Festival à Richmond (état de Virginie, États-Unis).
Lors de ma première rencontre avec Rameau, j’avais sept ans. A l’époque, en Union soviétique, le piano occupait la scène musicale mais seul Johann Sebastian Bach représentait l’ère baroque – sa musique résonnait en permanence dans les salles de concert et constituait le pain quotidien des enfants pianistes dans les conservatoires. Mon premier professeur était né à Paris et il avait une connaissance et un sens très fort de la culture française, notamment de sa littérature. Grâce à lui, je suis à mon tour tombé amoureux de la France en général et de Rameau en particulier, Rameau qui ne m’a plus jamais quitté par la suite. Je l’ai toujours gardé dans un coin de ma tête, sans jamais pouvoir le donner sur scène car, malheureusement, les programmateurs, y compris en France, préféraient et préfèrent encore des compositeurs plus familiers du grand public.
Le clavecin lui-même était, pour le moins, une rareté dans la Russie de mon enfance. Certes, il avait été introduit par Wanda Landowska, qui s’était rendue en 1907 puis en 1909 dans la résidence de Léon Tolstoï à Iasnaïa Poliana pour jouer devant lui, mais cet événement n’eut pas de conséquence réelle. L’instrument de Landowska était fort différent de ceux que l’on touche actuellement mais cela, au final, importe peu : un claveciniste n’est pas un pianiste, il s’agit de deux métiers distincts. S’il m’est évidemment possible de toucher le clavecin, qui est après tout un instrument à clavier, je ne saurais prétendre à une compréhension véritable de l’instrument : c’est résolument en tant que pianiste que j’aborde la musique de Rameau. Je ne suis pas le premier, loin de là, à affirmer que cette dernière, par ses caractéristiques sonores, se prête tout à fait à une interprétation au piano.
Nulle question ici d’une simple imitation du clavecin : il me semble en effet fort dommage de ne pas exploiter les opportunités que notre piano contemporain offre, comme l’a fait, par exemple dans Bach, Glenn Gould, musicien que j’admire sans réserve. Je pense, notamment, à la pédale, à laquelle je fais appel non pas pour obtenir un plus grand legato, mais bien pour ajouter un surcroît de couleurs dans mon interprétation, à la condition fort naturelle que ces couleurs s’avèrent compatibles avec Rameau. Et la couleur a toujours été d’une importance capitale dans la musique française.
J’ai également apporté une attention particulière à la question du tempo. Rameau lui-même a écrit que le tempo ne devait jamais être trop rapide et il se montre, de fait, très précis dans ses indications. Pouchkine écrit que « servir la lyre exclut la vanité ». Le tempo ne doit pas être question de vanité, il doit être la vitesse d’exécution qui permet à l’interprète de tout énoncer musicalement. Quand Rameau écrit « vite », « très vite » ou même « plus vite », il veut donc dire que chaque ornement doit être tout de même clairement énoncé, et ses ornements sont très difficiles à exécuter.
Sur la question des ornements, pour lesquels le compositeur a laissé une table fort copieuse, je me réclame de Wanda Landowska. Cette grande dame disait qu’à l’époque baroque, tout musicien se révélant incapable d’ornementer ou d’improviser était vu comme un illettré. Par exemple, une répétition se devait d’être ornée, elle est comme un autre visage de la même pièce. L’ornement est, à mes yeux, comme un vaste champ qui permet d’introduire ce qui existait autour de Rameau en son temps. Ainsi, dans La Vénitienne (Premier livre, 1706), après avoir joué strictement ce qui est écrit par Rameau, j’ai inséré des citations de Domenico Scarlatti et de Jean-Paul-Egide Martini (son célèbre Plaisir d’amour). C’est aussi pour cette raison que dans les doubles de la fameuse Gavotte, j’ai introduit le Dies iræ. J’avoue avoir l’intime et forte conviction d’en avoir le droit. J’ai essayé de jouer chaque mélisme, chaque note, écrits par Rameau car le texte reste la Bible, et il doit être scrupuleusement respecté. Mais Debussy disait que la musique survenait entre les notes et il est du ressort de l’interprète de découvrir ce qui existe au-delà du papier et de l’encre noire. Ce que je joue ne relève absolument pas de la transcription telle qu’a pu superbement le faire un Godowski. Ce n’est pas non plus une tentative de transformer la musique en quelque chose d’audible pour un hypothétique auditeur contemporain. J’essaie simplement de partager cette immense beauté qui naît devant moi et devant l’auditeur.
Alexander Paley
Mein Bild von Rameau
Bei meiner ersten Begegnung mit Rameau war ich sieben Jahre alt. Damals, in der Sowjetunion, beherrschte das Klavier das Musikleben, allerdings galt Johann Sebastian Bach als alleiniger Vertreter des Barock. Seine Musik erklang in allen Konzertsälen und war für die Klavierschüler in den Konservatorien das täglich Brot. Mein erster Klavierlehrer stammte aus Paris und war ein großer Kenner und Liebhaber der französischen Kultur und Musik. Ihm verdanke ich es, dass auch ich meine Liebe zu Frankreich im Allgemeinen und Rameau im Besonderen entwickelt habe. Seitdem hat mich Rameau nie mehr losgelassen. Ich trug ihn immer in meinem Herzen, ohne dass ich ihn in Konzerten spielen konnte, denn leider bevorzugten die Programmplaner Komponisten, die dem großen Publikum geläufiger waren, auch heute noch, und auch in Frankreich.
Das Cembalo war im Russland meiner Kindheit nichts weniger als eine Rarität. Natürlich hatte es Wanda Landowska eingeführt, die 1907 und dann 1909 vor Leo Tolstoi in dessen Wohnsitz Jasnaja Poljana gespielt hatte, doch hatten diese Ereignisse keine wirklichen Auswirkungen. Landowskas Instrument unterscheidet sich von den heute gebräuchlichen deutlich, doch im Grunde ist das relativ unwichtig: Ein Cembalist ist kein Pianist, es handelt sich um zwei getrennte Berufe. Ich kann zwar selbstverständlich auf einem Cembalo spielen, es ist schließlich ein Tasteninstrument, aber ich könnte niemals behaupten, eine wirklich profunde Kenntnis des Instruments zu besitzen: Ich nähere mich Rameaus Musik eindeutig als Pianist. Und ich stehe bei weitem nicht allein mit der Behauptung, dass letztere durch ihre klanglichen Eigenschaften durchaus für eine Interpretation auf dem Klavier geeignet ist.
Es geht hier keineswegs um eine Nachahmung des Cembalos. Ich finde es vielmehr sehr schade, die Möglichkeiten, die das moderne Klavier bietet, nicht zu nutzen, so wie es beispielsweise Glenn Gould – für den ich als Musiker eine grenzenlose Verehrung hege - bei Bach gemacht hat. Ich meine insbesondere die Verwendung des Pedals, das ich nicht für ein stärkeres Legato einsetze, sondern durchaus um meinem Spiel mehr Farbe zu verleihen; natürlich immer mit der Voraussetzung, dass diese Klangfarben mit der Musik Rameaus vereinbar sind. Und Farben haben in der französischen Musik von je eine große Bedeutung.
Auch dem Tempo messe ich besondere Aufmerksamkeit bei. Rameau schrieb, dass das Tempo nie zu schnell sein dürfe, und er erweist sich in der Tat als äußerst präzise in seinen Vortragsbezeichnungen. Puschkin schreibt: „Der Lyra dienen, heißt die Gefallsucht ausschließen“. Das Tempo darf nicht der Eitelkeit dienen; es muss ein Vortragstempo sein, das es dem Interpreten gestattet, alles musikalisch ausdrücken zu können. Wenn Rameau „schnell“, „sehr schnell“ oder „schneller“ schreibt, meint er, dass jede Verzierung trotzdem klar und deutlich ausgeführt werden muss - und dabei sind seine Verzierungen sehr schwierig zu spielen.
In der Frage der Verzierungen, von denen Rameau eine ziemlich umfangreiche Tabelle hinterlässt, beziehe ich mich auf Wanda Landowska. Diese Grande Dame sagte, dass im Barock jeder Musiker, der sich unfähig zeigte, zu improvisieren und Verzierungen auszuführen bzw. zu erfinden, als musikalischer Analphabet betrachtet wurde. Eine Wiederholung musste zwangsläufig verziert werden, sie ist wie das zweite Gesicht ein- und desselben Stückes. Die Verzierung ist in meinen Augen ein weites Feld, das es ermöglicht, alles aus Rameaus Zeit einzubringen. So habe ich zum Beispiel in La Vénitienne (Premier livre, 1706) zunächst genau das gespielt, was Rameau komponiert hat, aber danach fügte ich Zitate von Domenico Scarlatti und Padre Martini ein, von letzterem aus seinem berühmten Plaisir d’amour. Auch aus diesem Grund habe ich in den Doubles (verzierte Wiederholungen) der berühmten Gavotte das Dies iræ eingefügt. Ich gestehe, dass ich mich dazu aus einer tiefen und persönlichen Überzeugung berechtigt fühle. Ich habe versucht, jedes Melisma, jede Note, die Rameau komponierte, zu spielen, denn die Partitur ist und bleibt das A und O seiner Musik, und ihr muss man peinlichst genau folgen. Debussy jedoch behauptete, dass die Musik zwischen den Noten entstehe, und dass es die Aufgabe des Interpreten sei, das zu entdecken, das über Papier und schwarze Tinte hinausreiche. Was ich spiele, basiert keinesfalls auf Transkriptionen, wie sie Godowsky auf vollendete Weise vornahm. Ich versuchte auch nicht, die Musik in etwas Erkennbares für den hypothetischen zeitgenössischen Zuhörer zu verwandeln. Mit geht es ganz einfach darum, diese unendliche Schönheit, die vor mir und dem Zuhörer entsteht, zu vermitteln.
Alexander Paley
How I see Rameau
My first encounter with Rameau came when I was seven years old. The piano was predominant in musical life in the Soviet Union at the time but Johann Sebastian Bach was the only composer to represent the baroque era. Ever-present in concert halls, his compositions were also the daily bread of young pianists in music school. My first teacher had been born in Paris and had a deep knowledge and strong sense of French culture, especially French literature. Thanks to him, I in turn fell in love with France in general and Rameau in particular, and Rameau has stayed with me ever since. I have always kept him in a corner of my mind without ever being able to play his music in public, because unfortunately concert organisers, including in France, then as now prefer composers better known to the general public.
The harpsichord was a rarity, to say the least, in the Russia of my childhood. It had been introduced by Wanda Landowska, who played for Leon Tolstoy at his house in Yasnaya Polyana in 1907 and 1909, but nothing ever really came of her visit. Landowska’s instrument was very different from those in use nowadays, of course, but ultimately that has no real significance. A harpsichordist is not a pianist; two different skill sets are involved. Although I could play a harpsichord – it is a keyboard instrument after all – I could not claim to really understand the instrument. So I approach Rameau’s music unequivocally as a pianist. I am not the first, far from it in fact, to argue that the sound qualities of Rameau’s music lend themselves entirely to performance on the piano.
There is no question here of merely imitating the harpsichord. It seems a great shame not to make full use of the possibilities our modern piano has to offer, as Glenn Gould – a musician I admire unreservedly – did with Bach. In particular, I use the pedal not to achieve greater legato but to add a wider range of colours to my interpretation, always provided of course that those colours are compatible with Rameau. And colour has always been crucially important in French music.
I have also been particularly attentive to tempo. Rameau himself said that the tempo should never be too fast, and in fact his markings are very precise. Pushkin wrote that “serving the lyre rules out vanity”. Tempo must not be a matter of vanity; it must be the speed of execution which allows the performer to articulate everything contained in the music. When Rameau writes “fast”, “very fast” or even “faster”, he means that each ornament must still be clearly articulated, and his ornaments are very difficult to execute.
On the question of ornaments, for which the composer left a very full table, I concur with the great Wanda Landowska when she said that during the baroque era, any musician incapable of ornamenting or improvising was considered illiterate. A repeat, for example, needed ornamentation; it was like another aspect of the same piece. As I see it, ornamentation is like a vast field into which the performer can introduce the material that existed around Rameau in his own day. In La Vénitienne (First Book, 1706), for example, after playing exactly what Rameau wrote, I have inserted quotations from Domenico Scarlatti and Padre Martini (his famous Plaisir d’amour). That is also why I have introduced the Dies iræ into the variations of the famous Gavotte. I am profoundly convinced that I am entitled to do so. I have tried to play each phrase, each note penned by Rameau because the text remains the bible and must be scrupulously respected. But Debussy said that music happened between the notes and it is up the performer to discover what exists in the realm beyond paper and ink. What I play has nothing whatsoever to do with transcription as practised so superbly by Godowski. Nor is it an attempt to transform the music into something a hypothetical contemporary audience can listen to. I simply try to share the immense beauty that comes into being as I sit and play and the listener sits and listens.
« C’est assez épatant de grandeur, d’allure et finalement, au travers de ses « transgressions », de grand amour de cette musique. »
Musique classique & Co
« Rameau au piano… c’est beau »
Frédéric Menu pour L’Est Républicain
« Car l’originalité des options interprétatives de Paley s’appuie toujours sur une parfaite cohérence du propos, sans parler d’une palette de couleurs et de moyens techniques sidérants, toujours au service de la musique et la poésie. Un artiste au sens le plus noble et le plus total du mot. »
Alain Cochard pour A Nous Paris
« On se laisse bien vite prendre par la force hypnotique d’un jeu qui rappelle qu’un grand interprète c’est d’abord une idée du son. »
Alain Cochard pour Concertclassic.com
« *** »
Point de vue
« ** Ce disque est un manifeste à lui tout seul. Un piano très gros, très lourd, une prise de son très grosse, très lourde, et un pianiste d’un insolent solipsisme : au diable le clavecin, Rameau, la danse, le XVIIIe siècle ! Je suis moldave, romantique, je fais ce que je veux, j'ornemente comme un dément, je joue à une lenteur telle que même la musique de Morton Feldman vous paraîtra hystérique, j'interpole des variations de mon cru, et je vous emmerde. Et il le fait. »
Jacques Drillon pour Le Nouvel Obs
« Si Rameau s’appelait Ramovski »
Albéric Lagier pour Musikzen
« Mieux, n'en déplaise aux puristes, cette musique prend, sous la houlette du pianiste, un visage d'une grande modernité, empreint d'une sensibilité alliant lyrisme et sobriété. »